Gaissiri DIA, ouvrir autrement la porte du financement aux Start Up africaines

L’Afrique tâtonne, elle cherche toujours ses repères. Les indicateurs, çà et là, sont au rouge, mais le futur, cependant semble être promoteur. On ne le cessera jamais de le dire, l’avenir de ce continent repose de sa Jeunesse. Mais, quelle orientation celle-ci donnera-t-elle à son développement ? Que fera-t-elle du népotisme, de la corruption, de la politique politicienne, etc. Que fera-t-elle de cet héritage empoisonné légué par une génération dépassée par les événements. Partout sur le continent, tels des anticorps qui s’emparent d’un organisme malade, cette Jeunesse investit tous les secteurs d’activité pour un seul objectif, redonner son éclat à l’Afrique. Gaissiri DIA, aussi appelé Gaiss, a cofondé une plateforme de financement participatif avec un ami. Waalam est le nom de cette plateforme et elle veut aider les Start-up africaines à se développer, en bénéficiant de financement provenant de personnes physiques ou morales. Au-delà de cet aspect, c’est peut-être l’histoire personnelle de cette Jeune Peuhl du Sénégal qui intéressera le plus.

Nous prenons connaissance de l’existence de la plateforme Waalam par le biais de José GUEHI, Journaliste et ancien rédacteur en chef de Tomorrow Magazine. Il nous parle de la fondatrice de cette plateforme de financement participatif et nous indique qu’elle sera très bientôt à Abidjan. L’équipe de rédaction, comme à son habitude, passe au scanner le profil de cette Jeune Leader. C’est indéniable, il est enthousiasmant. Elle nous intéresse déjà fortement. L’Equipe décide qu’elle racontera l’histoire de Gaissiri à toute la Jeunesse africaine. C’est décidé, elle fera la Une de Tomorrow Magazine en Juin 2017.

C’est lors de sa dernière visite au bord de la lagune Ebrié que nous l’avons rencontré. Gaissiri est le prototype idéal de la femme peulh. Bravoure, beauté, élancée, le teint métissé, des cheveux lisses et une élégance naturelle qui se remarque tout de suite.

Devant l’objectif de la caméra, l’aisance n’est pas automatique. On le comprend tout de suite, la demoiselle n’a pas l’habitude de ces trucs. Mais admirable a été sa capacité d’adaptation. En quelques minutes, elle a su se tenir devant le cadreur et le photographe. Tout ceci, sous les encouragements de ses fidèles compagnons Fallou NIANG et Étienne FAMIEN.

Nous avons tendu le microphone à cette Jeune fille souriante et très sûre d’elle.

La fierté d’une origine

À 25 ans déjà, Gaissiri DIA inspire le respect. En aucun moment de l’interview, elle ne s’est targuée d’avoir énormément d’expériences, mais a toujours montré sa fierté d’avoir eu très tôt des ambitions qui se trouvent au-delà de ses limites. Elle a toujours su pousser ses limites pour se surpasser et servir d’exemple.

En France, le 09 octobre 1991, Gaissiri naît. Elle est issue d’une famille de huit enfants dont elle. Elle est l’aînée de sa mère. La petite fille grandit à une époque fortement marquée par la chute du mur de Berlin en 1989, et dans laquelle l’on loue avec vigueur les vertus de la liberté. Cela a-t-il eu cet effet positif dans la vie de Gaissiri ? Cela explique-t-il sa trop grande propension à parler de liberté ? On ne saurait le dire avec assurance. Mais une chose est certaine, pour elle tous les peuples se valent et doivent, dans le respect de l’existence des uns et des autres et dans la sincérité qui est leur devoir, se battre pour leur liberté.

Née dans l’hexagone, Gaissiri y fait toutes ses classes. Napoléon, la guerre de sécession, la grande Révolution française, Jeanne d’Arc, etc. sont censés forger et consolider sa connaissance du monde, mais aussi et surtout sa personnalité. Et l’Afrique dans tout ça ? Elle a, malgré tout, entretenu un lien très fort avec son continent d’origine. Son père est bien conscient qu’il ne faut pas, en plus de la tête, déménager les deux pieds de ses rejetons en Occident. Il lui faut leur faire absolument garder les pieds dans la tradition africaine. Son père lui apprend à être fière de ses origines. «Je suis certes né en France et j’y ai grandi, mais je vais au Sénégal chaque deux ans depuis que j’ai neuf ans. C’est la contrée natale de mes parents qui m’accueille, dans le nord-est du Sénégal et plus précisément dans la région de Kidira.» Nous déclare Gaissiri avec un air amusé.

Pour ses parents, c’est un excellent moyen de les rapprocher de leur origine. Grâce à ces voyages, Gaissiri a pu connaitre ses cousins et ses cousines. Elle a également appris à parler le peuhl, la langue locale. Ces voyages lui ont surtout appris à connaitre les réalités africaines.

Notre Jeune leader n’a pas subi de pratiques racistes proprement dites. Mais, même si cela est le cas, le regard et le mépris de certaines personnes, parce qu’on est africaine, lui font rappeler qu’elle a à prouver qu’elle peut être à la hauteur de tous et bien plus meilleure d’ailleurs. Devenir meilleure, faire la fierté de sa famille et de sa communauté, a été pendant un moment de sa vie, la raison de son combat. Elle continue d’ailleurs à mener le combat, «Il faut savoir que tout se passe dans la tête. Dans la mienne, depuis toute petite, je ne me suis pas sentie différente des autres. C’est pour cela que j’aime parler de challenge. Je ne laissais personne me convaincre que j’étais inférieure à elle en quoi que ce soit.»

Très Jeune, Gaissiri se dresse des challenges à relever. Elle est issue d’une famille immigrée qui vit en zone banlieue. «La vie dans ces endroits n’est pas forcément aisée.» Aime-t-elle à nous le répéter lors de l’entretien. Ses échecs scolaires l’entraînent à être placée dans une classe d’école classée zone prioritaire d’éducation (ZEP). Pour ceux qui ne le savent pas, la ZEP a été créée en 1991 par le gouvernement français, en vue de lutter contre l’échec scolaire. Les élèves qui y sont inscrits sont donc ceux qui n’arrivent pas à produire des notes satisfaisantes. Le système éducatif offre donc ‘’plus à ceux qui en ont le besoin’’. Pour Gaissiri, c’était un défi, «Je me battais pour prouver que bien qu’étant dans ces conditions, je pouvais être meilleure que n’importe quel autre élève.» À cette époque, la petite Gaissiri rêve de devenir infirmière.

La découverte d’une ambition, d’une mission

Gaissiri DIA, malgré toutes les difficultés rencontrées, réussit à accéder au Lycée. La petite est très heureuse. Elle vient de relever un grand défi. Malheureusement, cette étape franchie ne fait pas que de bonnes choses. Ce succès la rend orgueilleuse et insolente. Son attitude acerbe et très répugnante vis-à-vis du corps enseignant emmène les responsables de son établissement à prendre une décision. Gaissiri est exclue de l’école. Grande déception chez ses parents, qui commençaient pourtant à lui accorder leur confiance et à placer en elle leur espoir. Gaissiri le ressent avec beaucoup de regret.

L’année qui suit, elle décide de se lancer à nouveau. Après plusieurs réflexions, elle comprend. «J’ai pris conscience que je ne pourrais jamais réaliser mes rêves et tout ce tas de projets qui foisonnaient dans ma tête si je n’avais pas une vie d’étude sérieuse.» Nous dit-elle. Elle se ressaisit et deux années après obtient, dans un autre lycée, son baccalauréat économie et social.

Elle est en quête de perspective. À ce moment de sa vie, la Jeune fille recherchait ce qu’elle ferait de sa vie. Elle rencontre une cousine qui lui propose de se rendre en Angleterre pour apprendre l’anglais pendant six mois. Elle n’y connaît personnes, mais trouve l’idée géniale. Ce voyage peut être caché des défis à relever, «J’ai trouvé l’idée géniale et pour moi c’était l’occasion toute rêvée d’affronter un autre challenge. À la vérité, j’aimais vraiment les défis. J’en cherchais toujours.»

Gaissiri rencontre du beau monde. Elle se fait petit à petit une idée de ce qu’elle pourrait bien faire. Retourner en France maintenant n’aura de mérite que d’interrompre toutes ces belles découvertes qui s’offrent à elle en ce moment-là. Elle finit par y passer deux bonnes années. Durant ces années, elle fait ses premiers pas en entreprise, «Je me souviens que j’ai obtenu un poste de team leader dans une entreprise anglaise au bout de six mois. Je manageais des personnes bien plus âgées que moi. J’étais toujours la plus Jeune dans les équipes et je profitais pour apprendre de mes aînés.»

Deux ans après, A 19 ans, Gaissiri décide de rentrer en France pour poursuivre ses études.

En Angleterre et en France, elle a travaillé pour de grandes entreprises. Son rêve d’enfance, souvenez-vous, celui de devenir infirmière n’a pas été exaucé. Mais, l’adolescente de l’époque est épanouie dans le nouveau secteur d’activité qu’elle embrasse : les finances.

Gaissiri est désormais trader dans des marchés boursiers. Elle se fait remarquer. Autour d’elle, à son sujet, l’on dit tant de bonnes choses. C’est une négociatrice redoutable. Elle gagne très bien sa vie. À force de bosser dans ce secteur d’activité, elle commence à nourrir d’autres ambitions. Gaissiri pense de plus en plus à se lancer dans sa propre initiative, «Je ne supportais plus de vivre le rêve des autres. Je voulais poursuivre mes propres rêves, développer mes propres projets.» avant d’ajouter «Je brûlais d’envie d’apporter mon grain de sel au monde et étant est salarié, je n’avais qu’une petite marge de manœuvre.» «Tenez par exemple, en entreprise, on ne peut pas librement donner son avis sur certaines choses et même si on le fait, ce n’est très souvent pas pris en compte et cela sans raison. Moi, je ne voulais plus de tout ça. Je ne voulais désormais qu’une seule chose, voler de mes propres ailes et c’est ce que j’ai fait avec tous les risques que cela comportaient.» Elle démissionne d’un poste alléchant. Notre Jeune Leader n’a jamais regretté de l’avoir fait. Pour elle, c’est l’un des meilleurs choix de sa vie. «C’est vrai, démissionner de son boulot comporte des risques, mais il faut souvent avoir l’audace d’en avoir. Je n’ai pas eu peur de prendre de risque, car je suis Jeune et c’est le moment ou jamais de réaliser mes rêves et mes projets.»

Waalam pour rendre à l’Afrique toute sa dignité

Pendant un séjour en Afrique, Gaissiri fait une découverte. Elle rencontre des Jeunes africains très optimiste et très ouvert au changement, «J’ai eu l’opportunité de rencontrer de nombreux Jeunes africains et ils m’ont donné de l’espoir.» Ça l’intéresse vraiment de savoir que des millions de Jeunes africains se lancent dans la création de Start-up pour l’amélioration de leur vie, mais surtout pour satisfaire les besoins des autres. Mais très vite, après une analyse approfondie, elle se rend compte d’un problème. «En Afrique, il y a de l’innovation, du dynamisme et de la compétence. La Jeunesse de ce continent a plus à démontrer que ce qu’il nous ait donné jusque-là de voir. Pour développer leurs activités, les Jeunes ont besoin de financement. Les banques, institutions naturellement affectées à ce travail, rechignent de plus en plus de le faire.» Les raisons sont multiples et certainement légitimes, mais que doit-on faire ? Se saisir la tête des deux mains et pleurer à chaude larmes notre misère ? Non, il faut se mettre à l’action et trouver une solution ? Gaissiri choisit tout de suite la seconde option. Tient, pendant qu’elle y pense, elle se rend compte qu’elle a une formation en économie et finance, elle a travaillé dans les secteurs de la bourse et elle y a côtoyé plusieurs clients qu’elle pourrait convertir en investisseurs. C’est un appel. Gaissiri est illuminée et elle nous partage sa vision «Je sens comme la responsabilité de contribuer au développement de l’Afrique. En aidant ces PME et ces Start-up à trouver du financement, je suis convaincue que je suis en train de construire l’Afrique en ma manière. Je considère cela comme un appel et tous les Jeunes africains devraient sentir cela. Côtoyer les meilleurs Start-up d’Afrique et les aider à grandir, il n’y a pas meilleur sentiment.»

En octobre 2016, alors qu’elle effectuait un voyage à Dakar et qu’elle recherchait un webmaster pour la réalisation d’un projet, Gaissiri croise le chemin de Fallou NIANG, un informaticien sénégalais. Celle-là lui explique ce qu’elle veut et le jour suivant Fallou lui propose une démo du site qu’il s’apprête à créer à sa demande. La Jeune dame est séduite par le professionnalisme du Jeune homme. Cela créé un lien d’amitié et les deux amis ne tardent pas à échanger profondément et à partager leur vision du monde, «On a discuté et on s’est trouvé des points de ressemblance dans notre conception du développement de l’Afrique et on a décidé de se mettre ensemble et de créer Waalam.»

Waalam signifie ‘’aide’’ en langue peulh. Gaissiri et Fallou veulent, grâce à cette plateforme, offrir un mode alternatif de financement des Start-up africaines, «Nous avons décidé de créer Walaam pour permettre à toute personne disposant de fond d’investir dans des entreprises et des projets innovants et porteurs.»

Waalam n’est pas la seule entreprise de ce genre sur le continent. En 2015, l’on a recensé 57 plateformes de financement participatif. Le secteur est en ébullition. Les banques prêtent de moins en moins aux entreprises, surtout celles tenues par les Jeunes. 30 millions d’africains vivent à l’étranger. En 2015, selon Afrikstart une plateforme de Crowdfunding spécialisée dans le financement, la formation et l’encadrement des entrepreneurs africains, 125,9 millions de dollars de financement sont passés par le crowdfunding. Cela représente environ 04% du total mondial.

En spécialiste, Gaissiri nous dresse un tableau qui explique cette ébullition et indique avec force ce qui fait la particularité de Waalam dans ce foisonnement d’entreprise de ce genre, «D’un côté, il y a énormément de personnes qui ont de l’argent et qui veulent investir, mais elles ne savent pas où. D’un autre côté, il y a des Start up et des PME, qui recherchent des financements et qui rarement, en ont accès via les banques. Nous nous chargeons de sélectionner les meilleurs en termes de potentialité et de bénéficier d’investissement.»

Pour le moment, trois Start up ont été financées. Gaissiri et Fallou prévoient de trouver, en 2017, 30 financements pour autant d’entreprises. Les deux amis comptent en faire bien plus les années à venir, car figurez-vous que l’ambition, c’est de s’installer Waalam dans tous les pays africains. Pour le moment, après six à sept mois d’existence, l’entreprise est installée dans deux pays d’Afrique, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Waalam continue de se faire connaitre sur le continent. Gaissiri et Fallou multiplient les voyages en Afrique pour sensibiliser la Jeunesse. Ce projet ‘’fou’’, selon certaines personnes, est sur le point de connaitre son grand bond. Malgré les appels à découragement, mademoiselle DIA n’a jamais abdiqué, «J’ai des amis qui jusqu’à présent croient que j’ai fait le mauvais choix. Mais seul mon travail et mon acharnement convaincront les uns et les autres que j’ai pris un bon chemin. Lorsque demain ces PME et ces Start up financés par Waalam deviendront de grandes entreprises, qu’elles créeront de la richesse et seront pourvoyeuses de centaines voire de milliers d’emplois, alors tous diront que j’ai fait le bon choix. Nous continuons de travailler.»

Dans 10 ans, Gaissiri se voit à la tête d’une très grande entreprise de financement d’entreprise. Dans 10 ans, Gaissiri voit Waalam devenir l’entreprise numéro un dans ce domaine d’activité. Dans 10 ans, elle voit des milliers et des milliers d’investissements dans les Start-up africaines grâce à Waalam.

Gaissiri croit en l’Afrique, elle croît aux potentiels de la Jeunesse africaine. Si elle était en face de cette Jeunesse, voici les mots qu’elle leur dirait, «Vous avez une histoire, vous avez un vécu, vous êtes forts. Battez-vous pour ce en quoi vous croyez. Avez-vous un talent ? Utilisez-le. N’ayez pas peur. Vous n’êtes pas les premiers, vous n’êtes pas les derniers. Nous sommes tous dans la course. Que l’on soit issu d’un pays développé ou pas, ce qui nous fait vivre, c’est l’innovation. Il faut toujours développer quelque chose. Ça fait vivre. Regarder les États-Unis d’Amérique, ils ne cessent d’innover. Cela leur permet d’avancer.»

A lire aussi : Richard SESHIE, Au-delà de toutes les limites

About Yannick DJANHOUN

Yannick DJANHOUN, aussi appelé Mister Colombo, est un Journaliste ivoirien. Actuellement Rédacteur en Chef de Tomorrow Magazine, Yannick est un passionné de la Jeunesse Africaine. Sa plume, il l'a met au service de la promotion du Leadership de celle-ci.

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